C’est un ras le bol, un trop plein... marre que tout ça me colle dessus, j’ai rien demandé moi, merde !
Et puis là je me rappelle : gros-naze.com, voila un endroit ou épancher mon fiel...
Tout a commencé hier, par un mail anodin sur notre chère liste de gros-nazes... ce mail, concisément formulé, enjoignait la joyeuse bande de sacrés drilles que nous sommes à aller s’interroger sur la portée d’un site de teasing, en ignorant toutefois qui pouvait en être le commanditaire.
J’arrête ici pour ouvrir une parenthèse, pour les personnes peu érudites en la matière, qui ignorent ce que peut être le "teasing"... eh bien il s’agit d’un barbarisme pompeux, comme en raffolent les gens des milieux hypes, qui désigne une pratique publicitaire consistant à créer une attente impatiente parmi les consommateurs. De l’anglais "to tease", exciter, la pratique consiste, en gros, à titiller la curiosité des gens en ne donnant que des informations lacunaires ou intrigantes, afin de créer un contexte plus réceptif pour le message final qui sera révélé ultérieurement. On s’imagine par là créer une meilleure "empreinte" dans l’esprit de la cible, une meilleure expérience du produit, ou de la compagnie, qui s’est présenté par ce procédé.
Cela repose selon moi sur un mécanisme psychologique des plus vulgaires, qui fait qu’une personne, énervée de buter sur l’impossibilité d’obtenir le fin mot d’une histoire (l’objet de la publicité, dans le cas présent), va créer un lien affectif avec le révélateur au moment où celui-ci éclaircit le mystère. Une bête extension du principe du suspense, quoi...
Le cas présenté ici est une variante un peu plus sophistiquée : on ne se contente pas d’alimenter la curiosité de l’internaute, mais on brode autour tout un univers fictif construit de telle sorte à ce qu’il reste suffisamment longtemps pour comprendre qu’il s’agit d’un pont vers quelque chose d’autre, quelque chose de réel qui l’attend derrière cette façade.
Revenons à notre site, concrètement : dans la droite lignée du teasing qui se répand de plus en plus, avec tous ses petits potes du marketing viral, celui-ci se présentait comme une perle du genre : moche, mal fait, pas drôle et j’en passe, tous les atouts pour faire remporter la palme du plus mauvais publicitaire de l’année à son concepteur. Vantant les mérites de produits imaginaires "tombés du camion" vendus par e-commerce, le site s’essaie à une forme de dérision qui le dépasse : tout est plat, insipide et transparent. Transparent, parce qu’on essaie de nous faire croire que c’est drôle, c’est même marqué en bas de chaque page, qui proclament, je cite :
"est un site à caractère humoristique dont les personnages et les produits sont purement fictifs"
L’humour en question est basé sur une démonstration à double sens du sérieux de la boite (inventée pour l’occasion) : le texte et l’image décrivent des produits merveilleux et des infrastructures en béton, alors que tout démontre le contraire. On ne peut même pas parler de premier et second degré, tellement c’est mal fait et flagrant. Bref : hilarant, j’en hurle encore...
Prenez par exemple la petite photo qui illustre cet article : il s’agit de la belle tête du charmant chef d’entreprise virtuel, qui se fera un plaisir de vous faire visiter ses locaux et de vous montrer ses innovantes méthodes de travail... rien que voir sa tronche de singe rigolard, moi, ça me sèche direct...
On l’aura compris, cela s’appuie donc sur une parodie facile et voyante des diverses entreprises de e-commerce avec lesquelles nous avons tous eu des déboires divers et (a)variés... entre service client inexistant, délais de livraisons incalculables, produits mal emballés et j’en passe, il est vrai que l’éventail est large. L’idée n’est ma foi pas si bête : le même site, fait par quelqu’un de désintéressé, aurait pu être vraiment bien, mais ici, malheureusement, c’est le royaume de la lourdeur et de la crétinerie... forcement, n’oublions pas l’objectif principal : capturer le cerveau du consommateur, pour l’emmener dans un second temps vers le véritable message publicitaire... pas besoin de finesse, donc.
D’ailleurs, le site est sans équivoque, puisque la clef de voûte de ce teasing bas de gamme est affiché sur chaque page : le compteur de jours !!! Eh oui, tout bon teasing se doit d’annoncer une échéance, pour assurer que le bon con qui a mordu à l’hameçon revienne dans le délai spécifié pour se repaître du fin mot de la navrante aventure.
Eh bien là, moi j’en peux plus... la technique du teasing, j’ai l’impression d’en avoir soupé plus que de raison, et ce site merdique, il fait déborder le vase qui contient toutes les gouttes de mon ressentiment... c’est l’écoeurement, la nausée, le gerbotron...
Se voir ainsi se faire prendre pour un crétin fini par des gens qui se croient investis d’un pouvoir de modeler nos esprits et nos goûts, j’en ai marre...
Les publicitaires m’énervent, et leurs petites formules, même si elles sont connes et triviales, on se rend tout de même bien compte qu’elles ne laissent pas indifférent, je dirais même qu’elles marchent plutôt bien sur pas mal de monde. Vous trouvez ça normal qu’on vous titille en permanence les cordes sensibles pour vous vendre des choses ?
La définition du marketing viral moderne n’est même plus d’utiliser les média pour vendre, mais de se les approprier, comme un accès direct dans nos intimités, via les réseaux communautaires, familiaux ou sociaux. Autrement dit, les publicitaires considèrent l’humanité entière comme un terreau où ils se sentent libre de semer aux quatre vents. Et vu les idées et fantasmes faisandés qui doivent circuler entre les neurones de ces gens mus par la cocaïne, je ne souhaite en aucun cas me laisser semer dessus par l’un quiconque d’entre eux...
Mais arrêtons là la mauvaise parole, et place aux actes... faites vous une idée par vous même, mais surtout n’hésitez pas à envoyer un mail incendiaire à leur adresse de contact pour leur raconter votre avis ; donc, le site incriminé, le voilà :
Enfin, arrêtons aussi immédiatement la mécanique subtile du teasing, il suffit de chercher un peu, et on apprendra vite qu’il s’agit sans doute d’une opération marketing pour l’ouverture du nouveau site de e-commerce de Carrouf, j’ai nommé :
Boostore, ou bouse-store peut être ??
Si comme moi, vous en avez marre d’être pris pour le joujou des agences de com’, alors tout simplement rentrez dans le grand jeu : faites circuler l’info au maximum, parlez en, ridiculisez les... il faut retourner toutes les initiatives de ce genre contre leurs créateurs prétentieux.
Pour cela, un nid d’informations, truffé par les gens même du milieu, qui se pâment entre eux des réalisations et des dernières modes en matière d’entourloupe de consommateurs peu avertis... le magnifique blog du "marketing alternatif" :
marketing alternatif rien que le nom est drôle, non ?
Me rétorquera-t-on : n’est ce pas un peu faire leur jeu que de parler de ces mécréants et de leurs productions hasardeuses et compensatoires d’une vie sexuelle sous dimensionnée ?
Je dirais : holà, l’ami, je n’ai rien prétendu d’aussi péjoratif à l’encontre des publicitaires ! Mais je pense tout de même que parler de leurs idées pas terrible en les ridiculisant, c’est pourrir l’efficacité de leurs campagnes. En effet, il est de notoriété que le marketing viral comporte des risques, principalement celui de se retourner contre son créateur, puisque le public s’approprie en quelque sort le message et en fait ce qu’il veut... Si tout se passe bien, il se l’approprie juste et le répand tel quel, mais nous, on va le déformer, et ajouter un couche de maquillage de clown aux gens qui l’ont produit...
Enfin, j’ai aussi le fol espoir, peut être, que certains d’entre eux lisent cet article, et puissent prendre un peu de recul sur leur travail, pour se rendre compte que la vente à tout prix n’est pas forcement le symbole de l’épanouissement absolu de l’être humain. Responsabilisez vous messieurs (et mesdames, y’a pas de raisons, tiens !) les publicitaires : si le monde va mal, c’est aussi un peu de votre faute !
Bref, oui, c’est peut être un peu vain, tout ça... mais c’est toujours satisfaisant de l’écrire !
Pour ceux que ça intéresse, on peut trouver pas mal d’infos et de liens sur ces techniques marketing à partir de Wikipedia :
buzz un concept connexe au teasing, dans le genre "tout le monde en parle"
Enfin, un petit lien vers la boite qui héberge marketing alternatif, un bon exemple de ce qui se fait de puant en la matière : lisez bien les textes, c’est tellement pompeux et vide que c’est poilant, mais en même temps, c’est tellement inquiétant...
http://www.tribeca.fr/ ne ratez pas l’explication sur l’origine du nom ...
Salut Sioc toujours en verve à ce que je vois !
J’ai appris des trucs dans ton article : je ne connaissais pas le teasing et en y repensant, on a subi cette technique sur le campus de Lyon1 pour vanter je ne sais plus quelle soirée étudiante (en recollant au passage des affiches militant contre le CPE). Bref...
Je trouve l’idée de détournement très fine et on a vu dans le mouvement altermondialiste comment des critiques de la pub ou des médias ont été capables de retourner les slogans contre le système (par exemple le T shirt rouge Anticapitalista écrit de manière "Coca cola").
Juste un commentaire sur la fin : tu demandes aux publicitaires (cocaïnés ;-) de se responsabiliser. Le pb, et le bouquin 99F de Beigbeder le montre bien, c’est qu’eux mêmes sont dans le système. En clair, même s’ils ne croient pas à la nécessité de vendre (il y a beaucoup de cyniques dans ce milieu), ils obéissent car en obéissant ils ont accès à du fric, un standing, un niveau de vie et à une activité pas trop aliénante et même parfois créative. Bref, tout ceci les fait tenir.
On ne peut donc pas faire confiance aux pubeux eux mêmes pour nous libérer de la pub. Pour moi, seul un mouvement de fond de la société peut ébranler les Séguéla et autres. Ce mouvement doit travailler pour montrer le lien entre le dévelppement de techniques de plus en plus raffinées et de plus en plus effrayantes pour nous faire consommer (cf. Le Lay, PDG de TF1, pour qui la mission d’une télé est de vendre du temps de cerveaux disponibles) et le contexte dans lequel cette véritable aggression publicitaire s’est établie - à savoir une course à la production telle que chaque nouveau marché est rapidement saturé de produits, à tel point que la pub reste le seul moyen pour prendre un petit avantage sur le concurrent. La privatisation du 12 est d’ailleurs un modèle assez hallucinant de matraquage pour les 118. Et le gagnant a été celui qui a le plus acheté d’espace pub à la télé notamment.
Quand on pense à ce gâchis quotidien causé par la pub à la fois matériel (les kilos de papier qui sont autant d’arbres exterminés et de gaz à effet de serre relargué) et humain (tous ces cerveaux créatifs qui planchent sur des conneries alors qu’ils pourraient nous émerveiller s’ils étaient utilisés par exemple pour éduquer par le biais de l’art ou de la science), y’a vraiment des milliers de raisons d’agir contre la pub...
En tous cas, merci pour cet article qui fait réfléchir.
PS : un lien pour un site critique de la pub :